Les partisans de l’égalité entre homos et hétéros défileront dimanche, deux jours avant le début de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale.
PAR CATHERINE MALLAVAL
Manifestation en faveur du mariage pour tous le 16 décembre à Paris. Photo Lionel Bonaventure. AFP
«C’est fou ce qu’on aura marché», lance Nicolas Gougain, le porte-parole de l’Inter-LGBT qui, dimanche, ouvrira le bal des partisans de l’égalité entre homos et hétéros lors de la manifestation parisienne organisée de Denfert-Rochereau à Bastille. Oui, «on a beaucoup marché. Tous les ans, depuis longtemps, tous les mois de juin lors de la Marche des fiertés, le 16 décembre. Et à nouveau ce dimanche», égrène celui qui, depuis des mois, endosse le rôle d’interlocuteur du gouvernement. Il porte les revendications sur le mariage, l’adoption et la PMA (procréation médicalement assistée) d’une foultitude d’associations militantes. Des plus anciennes, comme l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, aux toutes récentes, comme le collectif Oui, oui, oui (à 80% lesbien) qui multiplie les actions avec sa bande des Panthères roses, de Gouine comme un camion et autres Dures à queer…
«Solidaires». Mais, au fond, pourquoi marcher encore quand, deux jours plus tard, débutera à l’Assemblée l’examen du texte ouvrant à toutes et tous le mariage et l’adoption ? Oui, pourquoi s’user les semelles (voire les après-ski) quand le vote, malgré les 570 amendements déposés, semble assuré ? A les entendre, les LGBT ont encore de bonnes raisons de trotter quand, dans nombre de pays européens, cela fait déjà des années que des homos s’épousent, divorcent ou pouponnent en toute sécurité juridique, bref en paix (lire nos reportages pages 8,9 et 10).
«Nous ne voulons pas laisser la rue uniquement aux opposants, et rappeler que nous existons», explique Nicolas Gougain qui, prudent, se fixe pour seul objectif de faire mieux que les 100 000 manifestants du 16 décembre. Comment rêver rivaliser avec les opposants au projet de loi, qui, le 13 janvier, ont fait rues combles avec leurs 350 000 marcheurs (selon la police) ? Et ce, alors qu’«ils ne manifestaient pas obtenir ou défendre des droits, mais pour refuser qu’on nous en accorde», rappellent les LGBT. «Nous n’avons pas les mêmes moyens qu’eux, concède Gougain. Mais je pense que certains ont été choqués par leurs slogans et vont, en réaction, nous rejoindre. Des hétéros solidaires. Des adoptés aussi, qui se sentent montrés du doigt à force de voir des manifestants brandir la supériorité du biologique.» Et puis il y a l’espoir d’être rejoint par «des homos qui, jusque-là, ne se sentaient pas concernés par le débat, mais ne supportent plus l’homophobie décomplexée», libérée par un débat qui s’éternise depuis septembre.
SOS Homophobie annonce que les appels de détresse étaient trois fois plus nombreux en décembre 2012 par rapport à un an plus tôt, et ceux de janvier seraient quatre fois supérieurs à ceux de janvier 2012. «Pendant les débats sur le pacs, nous avions entendu des propos horribles. On pensait avoir avancé, mais il semblerait plutôt que la frange homophobe de la population se soit radicalisée», se désole la présidente de l’association, Elisabeth Ronzier. Même constat chez Act Up, qui met en garde contre «cette discrimination quotidienne, facteur - notamment chez les jeunes - de tentatives de suicides, de prises de risques et de contamination au sida».
«Ne pas trembler». Mais c’est bien au nom de l’é-ga-li-té, toute l’égalité, que la plupart défileront. Réjouissants, le mariage et l’adoption, mais quid de l’accès à la PMA, tant réclamé par des lesbiennes ? «Il faut pousser le législateur à ne pas trembler et à aller vers l’égalité totale. Et avoir l’assurance que la PMA fera bien partie du futur projet de loi sur la famille», rappellent les organisateurs de la manif. «Le retrait de l’amendement du groupe PS a été une grosse déception. Il faut que cette technique qui existe déjà chez les hétéros soit ouverte aux homos. En fait à toutes ! Les femmes ont le droit de disposer de leur corps», milite Osez le féminisme !«A quoi ça sert d’avoir reporté ? Pourquoi l’avoir inséré dans une nouvelle loi ? Soit le gouvernement a une majorité sur la question, soit il ne l’a pas», s’impatiente Oui, oui, oui.
La requête sera-t-elle entendue, et la promesse tenue ? La ministre chargée de la Famille, Dominique Bertinotti, «fière» de voir sa loi sur le mariage et l’adoption arriver au Parlement, confirmait vendredi l’arrivée en Conseil des ministres, le 27 mars, d’une loi sur la famille «prenant acte de la diversité des modèles familiaux et de la nécessité de leur offrir un cadre juridique sécurisant», assurant que oui, «la PMA pour les couples de femmes y sera abordée». Avec, à la clé, la levée de l’anonymat du donneur de sperme ? C’est ce que réclament certains et ce que redoutent d’autres, par conviction ou par crainte de voir les discussions sur la question durer plus longtemps qu’une grossesse. «Le débat est posé. Entre lever totalement l’anonymat et permettre un accès à certaines informations, il y a peut-être une marge», énonce la ministre. «On est en train de travailler, on sait travailler vite, on va travailler vite», assure-t-on à Matignon.
En attendant, soutenus dimanche par plusieurs syndicats (CGT, CFDT…), partis politiques (PS, PRG…) et peoples (Valérie Donzelli, Jeremie Elkaïm, Frédéric Beigbeder…), les LGBT marcheront, en se redisant : «C’est fou ce qu’on aura manifesté.»
Via (Libération)